a) Les plantes à mâchoires, l'exemple de la Dionaea Muscipula

Publié le par lsd-tpeplantescarnivores

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S'il fallait désigner une plante, reconnaissable et charismatique, pour symboliser l'ensemble des plantes carnivores, il conviendrait d'opter pour Dionaea, ou dionée.

 

La Dionaea Muscipula, aussi appelée "Dionée attrape-mouche" ou "attrape-mouche de Venus" est certainement la plante carnivore la plus connue à l’heure actuelle.

    arthur-dobbs.jpgArthur Dobbs (1689-1765)

 

     Elle fut officiellement découverte en 1763 par Arthur Dobbs, le gouverneur de l’état de Caroline du Nord à cette époque. C’est le naturaliste John Ellis, grand pratiquant du transport de semences américaines, qui la décrivit en Angleterre et la nomma en 1768. Son nom vient de Dioné, divinité grecque et mère d’Aphrodite.

 

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 Carl Von Linné (1707-1778)                                                                       Charles Darwin (1809-1882)

 

     Par la suite, de nombreux scientifiques de renom se penchèrent sur le cas de cet insolite végétal. On compte parmi eux Carl Von Linné, un naturaliste suédois réputé comme le père de la taxinomie. Il l’étudia en 1770 et la qualifia de « Miraculum Naturae » (miracle de la nature). Charles Darwin, très connu pour sa théorie de l’évolution, va lui aussi l’étudier et démontrera en 1865 sa carnivorité. Il sera extrêmement impressionné par cette plante, allant jusqu’à dire qu’elle est « L’une des plantes les plus merveilleuses du monde ».

 

      La Dionaea est un genre mono spécifique ce qui signifie qu’il n’y a qu’une seule espèce pour ce genre, elle fait partie de l’ordre des Caryophyllales et de la famille des Droséracées.

 

     On ne la trouve à l’état naturel que dans certaines régions de Caroline du Nord et du Sud, en milieu tourbeux et acide, mais elle est très répandue en magasin grâce à sa grande adaptabilité au niveau des températures. Pourtant peu de gens connaissent le fonctionnement de cette plante en détail et on ne fait pas toujours attention à tous les procédés qu’elle met en place pour pouvoir subvenir à ses besoins.

 

1)L’attirance

 

     Il faut être honnête, malgré sa grande ingéniosité, le piège de la Dionée est extrêmement grossier et rare sont les insectes qui se laisseront attraper par celui-ci

sans y’avoir été préalablement incités. Pour cette raison, notre végétal a conçu différents stratagèmes consistant à attirer les proies en trompant leurs sens afin de pouvoir les capturer.

 

  a) La fabrication de nectar

     Les stratagèmes de la dionée ont pour but d’imiter les plantes mellifères c’est-à-dire les plantes que les abeilles butinent pour créer du miel. Cette imitation va permettre d’attirer les insectes butineurs afin de les capturer.

     Pour attirer les insectes, la plante va tout d’abord synthétiser du nectar. Le nectar est un suc sécrété par les glandes nectarifères d’une plante.

     Les glandes nectarifères sont de petites glandes qui ont la propriété de sécréter des glucides.

Dans le cas de la dionée, ces glandes sont incolores et se trouvent dans la partie intérieure des feuilles, en bordure de ses dents.

     Les insectes sont extrêmement friands de ce nectar qui est riche en glucides, ils seront donc attirés par sa très forte odeur et se lanceront vers l’intérieur des « mâchoires » de la plante, croyant avoir affaire avec une banale plante productrice de nectar. 

 

    b) La réflexion des ultraviolets 

Cette technique, bien que très intelligente, ne fonctionnera pas si l’insecte ne trouve pas la source de nectar ou s’il remarque la différence visuelle entre une plante ordinaire et la dionée. Notre végétal va donc mettre en place un autre stratagème qui, en plus de guider l’insecte vers elle, va le réconforter dans l’idée que la dionée est une plante mellifère.

 

    2uv 1uv.jpgIl faut savoir qu’une plante mellifère ne reflète pas totalement les ultraviolets, en effet tandis que ses pétales les reflètent parfaitement, la zone des nectaires, elle, les absorbe dans leur totalité. Cela permet de guider les insectes vers cette zone, généralement le centre de la plante, et ainsi de faciliter indirectement sa fécondation.

    

On a voulu montrer au moyen d’une expérience que la dionée reflète elle aussi les ultraviolets d’une façon spéciale. Pour cela on a coupé une feuille de dionée et on l’a exposé à une lampe à ultraviolets.


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DSCF0997.JPG Resultats expérimentaux qui sont un échec

 

 Cette expérience n’a pas fonctionné, on peut envisager l'hypothèse selon laquelle cet échec serait du à la saison car l’expérience a eu lieu à l’arrivée de l’hiver donc au début de l’hibernation, la plante ne devait donc plus produire de nectar et ne plus refléter et absorber de la même façon. On a donc vérifié si son échec était normal. Il s’avère que non puisque plusieurs expériences similaires se sont soldées par des réussites.

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Durant ces expériences, on a pu voir que la partie centrale de la plante reflète totalement les ultraviolets tandis que sa bordure, là où est synthétisé le nectar, les absorbe totalement, exactement de la même façon que pour les plantes mellifères. Les insectes capables de voir les ultraviolets peuvent donc se diriger vers la plante et tomber dans le piège, persuadés jusqu’au dernier moment de n’approcher qu’une simple plante.

 

2)La capture

 

     Afin de pouvoir expliquer le fonctionnement du mécanisme de capture, il convient de présenter et de décrire le piége chez la dionée. Ce piége se trouve au bout des feuilles. Il est constitué de deux mâchoires, ou lobes, reliés par une nervure centrale. On peut voir sur le bord des lobes, de nombreuses « dents » qui auront un rôle important au moment de la capture. A l’intérieur des lobes se trouvent de petits poils fins (généralement trois sur chaque lobe mais le nombre peut varier). Ce sont ces poils, ou plutôt le contact de ces poils par la proie, qui vont provoquer la fermeture du piége.

     On peut voir, si on les observe avec un grossissement suffisant, que ces poils possèdent une zone charnière. Cette partie du poil est plus fine et donc plus souple, elle ressentira donc le mouvement plus que le reste du poil. La stimulation du piége repose sur le mouvement de cette zone charnière. Toutefois il ne suffit pas d’un seul contact pour activer le piège. En effet si un poil n’est touché qu’une seule fois la plante ne réagira pas. En revanche, si durant les 20 secondes qui suivent le premier contact, l’un des poils est touché, le piège va instantanément se déclencher. Cette précaution de double contact vise à éviter à la plante d’être leurrée par des phénomènes comme le vent.

     A partir de ce second contact, la zone charnière va capter un signal mécanique induit par le mouvement du poil et va le convertir.

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     On a d’abord cru que la fermeture du piège se faisait par osmose.

 

 

On a énoncé l’hypothèse selon laquelle ce phénomène serait lié à des forces osmotiques. On a voulu confirmer ou réfuter cette hypothèse au moyen d’une expérience qu’on a filmé :


 

cuve_a_nerf_normal.jpgLa seconde expérience nous a permis de connaître la nature du signal diffusé par la zone réceptrice du piège. Ce signal est de type chimique, à l’heure actuelle, on ignore la nature exacte des ions et des protéines impliqués dans sa transmission car les recherches ne sont pas suffisamment avancées sur ce domaine. On peut en revanche confirmer l’implication des ions chlorure comme le prouve notre expérience, des ions calcium, de la protéine G et des canaux ioniques. Il est possible de prouver la nature du signal par une autre expérience que nous n’avons pas pu mettre en place. Cette expérience consiste à utiliser de petites électrodes pour mesurer les variations du potentiel électrique. En effet le déplacement des ions chlorure et calcium, des substances chargées électriquement, provoque des variations du potentiel électrique qui seront alors détectées par les électrodes.

     Ce signal va donc se transmettre de cellule en cellule dans la totalité du piège à une très grande vitesse (environ 10cm/s).

     La plante va alors débuter sa première phase de fermeture.     

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Sur le schéma ci-dessus on peut voir la position des mâchoires de la plante en fonction des différentes phases de fermeture. La position A correspond à la position du piège au repos c'est-à-dire lorsqu’il n’a pas encore été enclenché. La position B quand à elle correspond à la plante au moment de la première phase de fermeture. On peut voir que les dents s’entrecroisent afin d’empêcher la fuite de l’insecte et que la fermeture du piège est causée par la courbure des deux lobes et non leur rapprochement. La cause de cette courbure n’est pas certaine mais de nombreuses expériences nous laissent croire qu’elle serait due à un allongement rapide des cellules externes des lobes. Cet allongement cellulaire serait provoqué par une acidification de la partie externe des cellules ce qui affaiblirait les forces ioniques maintenant la paroi cellulaire solide. Cet affaiblissement permettrait alors aux cellules de s’étendre et ainsi de fermer le piège.

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     Une fois la première phase de fermeture terminée, la digestion commence et deux situations peuvent alors avoir lieu. La première situation serait que le piège ai capturé un élément pouvant être digéré, la seconde étant que l’élément capturé soit non assimilable et donc inutile à la plante. Afin de faire la distinction entre ces deux situations, la dionée sécrète en continu une petite quantité d’enzymes ayant pour rôle la détection de certains éléments propres à la digestion d’une proie comme les ions ammonium. Si ces éléments sont détectés, la plante va non seulement continuer à produire des enzymes digestives mais va amorcer une seconde phase de fermeture. Cette phase, schématisée par la position C ci-dessus, dure environ 3 ou 4 heures et mène à une fermeture étanche du piège. Son fonctionnement n’est que très peu étudié mais on suppose qu’il impliquerait des hormones comme l’auxine. Si l’enzyme détectrice ne constate pas la présence d’éléments issus de la dégradation enzymatique, le piège se rouvre au bout de quelques jours.

     Tant que des résidus assimilables sont détectés dans le piège, le piège reste fermé, ce n’est que lorsqu’il n’y a plus aucun élément détectable que le piège se rouvre.


3)La digestion

 

    

     Une fois que la proie est capturée, dans la plante va débuter un processus de digestion. Ce processus dure environ 3 à 4 semaines. Afin de pouvoir assimiler les nutriments contenus dans ses proies, la Dionée doit procéder à une dégradation desdites proies par différentes enzymes. Contrairement à d’autres plantes comme les Nepenthes, la Dionée ne produit pas en continu ces enzymes afin d’économiser son énergie, elle ne va donc stimuler ces glandes sécrétrices qu’au moment de la capture. Les enzymes utilisées pour la digestion n’ont pas toutes été découvertes car la recherche n’est pas suffisamment avancée. On peut cependant en identifier quatre, l’estérase, la phosphatase acide, la protéase et la ribonucléase.

     Une fois la digestion terminée, les parties dures sont laissées à l’intérieur du piège car les enzymes sont incapables de les digérer. Les éléments nutritifs, réduits à l’état d’acides aminés, vont ensuite passer par les vaisseaux du xylème jusqu’à la tige puis aux racines, ils seront ensuite distribués dans la totalité de la plante via la sève brute afin d’être utilisés dans le développement de la plante.

 

 

 

 

 

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